16 mai 2022 in 2022-05-16-Conseil-municipal, Actualités, Conseil municipal, Emilie Chalas

Texte intégral de l’intervention d’Emilie Chalas sur la modification du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble

Conseil municipal du 16 mai 2022

Intervention d’Emilie Chalas sur la modification du règlement intérieur des piscines municipales à Grenoble

Je tiens à partager avec vous, membres du CM de Grenoble et avec les Grenobloises et Grenoblois, ma consternation devant le débat que vous apportez monsieur le maire, au sein de ce CM républicain.

Monsieur le maire, vous faites honte aux musulmans et vous faites honte à la ville de Grenoble et à son histoire.

Depuis des semaines notre ville fait la une des journaux locaux, nationaux parfois même internationaux, notre ville est devenue, grâce à vous, la risée de France.

Alors même que nous connaissons une crise écologique sans précèdent, alors même que la précarité augmente et inquiète en raison de l’inflation et de la crise du pouvoir d’achat, alors même que l’insécurité galope à Grenoble, vous faites perdre son temps à cette respectable assemblée. Nous devrions traiter des sujets les plus importants, répondre aux urgences, mais non, nous débattons d’un sujet sans intérêt, aussi démagogique que dangereux, votre burqini.

Car le débat du jour n’est pas un débat sur un règlement intérieur de piscine. Ce n’est pas un débat pour permettre aux femmes de porter ce qu’elles veulent. Ce n’est pas un débat sur la laïcité. Ce n’est pas un débat sur les conditions d’hygiène et de sécurité dans l’eau.

C’est un débat éminemment politique. Ce débat ne se règlera pas par le droit ou la loi, mais par l’éducation et l’éthique. C’est même un débat dangereux dans ce qu’il mélange, dans ce qu’il oppose, dans ce qu’il fracture, dans ce qu’il envoie comme message.

Sa portée est immense et votre responsabilité sera considérable.

La mission première des élus, quel que soit leur bord et quel que soit leur mandat est de rassembler les citoyens, de les unir sous une seule bannière, celle de République. Notre mission est de faire en sorte que les différences deviennent des ponts qui nous relient les uns aux autres, que ces différences cultivent notre curiosité, plutôt que d’entretenir la peur et les clivages.

Ce jour est un jour historique, celui où vous nous demandez de voter et d’acter un renoncement sur le droit des femmes. Ce jour restera comme le symbole de votre déchéance politique.

J’ai le cœur serré en voyant des personnes de votre majorité, dont je connais les engagements et la sincérité, devoir voter un texte d’un archaïsme incroyable pour votre seul intérêt politique.

Par ce texte, Quels sont ces messages ?

D’abord aux femmes :

Votre débat incite les femmes à cacher leur corps du regard des hommes, tandis que nos sœurs et nos ainées ont tant sacrifié pour les droits des femmes : droit à l’avortement, droit aux mini-jupes, droit de vote, droit de divorcer et récemment le droit à la PMA pour toutes et l’allongement du délai du droit à l’avortement. Votre proposition se pose contre l’émancipation des femmes, elle fait même régresser leurs droits et les soumets au patriarcat.

Votre conception de la pudeur est perverse. C’est la pudeur de l’homme assoiffé de sexe, qui ne supporte pas de voir se dessiner un sein ou le mouvement d’une chevelure, ou la volupté d’une chute de reins. Vous sacrifiez la liberté d’une femme libre à la pudeur d’un salafiste. Votre texte n’est pas à destination de femmes, mais de ceux qui les regardent. Entre d’autres termes monsieur le maire, sur ce sujet, vous vous êtes trompé de camp. Vous êtes instrumentalisé par une minorité agissante, vous vous cachez derrière une minorité de femmes qui veulent votre burqini. Elles ne peuvent pas servir d’alibi car vous trouverez toujours des femmes capables de voter contre leurs droits. Sous couvert de défendre la liberté d’une extrême minorité de femmes idéologisées, c’est la liberté de tous que vous sacrifiez.

Vous dites vouloir je cite « lever les interdits » en autorisant votre burqini dans les piscines. C’est un remarquable discours d’inversion qui dénote une inquiétante confusion intellectuelle, car dans les faits c’est vous qui réintroduisez et promouvez un interdit. Votre burqini est un interdit islamiste. Votre burqini n’est pas un précepte musulman, c’est un interdit islamiste qui interdit aux femmes de montrer leur corps.

Votre burqini porte un coup sans précèdent aux femmes musulmanes qui n’ont rien demandé et qui luttent parfois contre leurs proches pour rester libres.

Dans votre courrier au PR, vous affirmer que le droit de se dévêtir et le même que le droit de se vêtir. Ici, le mensonge rejoint l’indécence. Que dites-vous aux femmes afghanes qui se voient imposer la burqa dans les lieux publics ? N’avez-vous pas honte de comparer leurs combats pour leur liberté au combat qui est le vôtre pour votre burqini ? Elles risquent leurs vies pour cela, pas vous. Je voudrais tordre le coup à un argument indigne que vous répétez sur les plateaux tv : l’autorisation de votre burqini répondrait à l’universalité des services publics. Ce propos laisse entendre que le service public ne serait pas universel. Or, Monsieur le Maire, toutes les femmes ont accès aux services publics.

Les mêmes personnes qui prônent le port de votre burqini sont ceux qui expliquent sur des vidéos Youtube que les hommes peuvent battre leur femme pour les corriger.

Et ce débat est une honte pour les musulmans. Par ce débat, vous les stigmatisez, vous laissez croire que c’est une de leur revendication là ou en réalité ce n’est que votre obsession. Depuis 5 ans, j’ai l’honneur d’être la porte-voix à l’assemblée nationale des quartiers parmi les plus divers de cette ville et laissez-moi vous dire que partout où je vais, dans chaque quartier, chaque montée d’escalier, personne ne réclame votre burqini. Nos concitoyens de confession musulmane expriment leur difficulté face aux bailleurs sociaux sourds ou trop lents à répondre aux problèmes de propreté et de travaux. Ils expriment leur inquiétude pour leurs enfants discriminés à l’emploi. Ils expriment leur volonté d’être enterré dans la terre de leur pays la France sans que les carrés musulmans dans les cimetières ne soient agrandis. Ils expriment le ras-le-bol du bruit des rodéos en bas de chez eux. Voilà ce que me disent ces français, et aucun en 5 ans de mandat, ne m’a jamais dit : le burqini est un enjeu fondamental pour moi, c’est une urgence vite ! Personne.

Votre burqini est la seule perspective que vous offrez aux Grenobloises et grenoblois de confession musulmane. Comme si c’était le sujet qui solutionnerait toutes leurs difficultés.

Si certains vous l’on dit monsieur le maire, c’est que nous n’écoutons pas les mêmes habitants de confession musulmane, et c’est inquiétant. Même vos amis politiques vous lâchent : Alexis Corbière la semaine dernière, François Ruffin encore ce matin « Qu’il se débrouille avec son burqini, j’en ai rien à faire ! Quand je rencontre les musulmans, ce n’est pas de ça dont ils me parlent ». Vous ne réalisez pas à quel point, petit à petit, vous vous êtes isolé monsieur le maire.

J’ai encore une pensée pour les agents de nos piscines. Je les ai interpelés la semaine dernière individuellement par courrier. Nombreux sont ceux qui ont réagi car de toute évidence, vous n’avez pas jugé bon de les écouter. Pourtant ce sont eux qui vont être demain en première ligne pour gérer le quotidien. Retours édifiants : « le combat n’est pas terminé et merci de faire tout ce que vous pouvez cet après-midi pour défendre légalité » « il faut protéger les agents de la direction des sports, on attend de nombreux troubles à l’ordre public et de tensions » « nous sommes sous pression de nombreux élus et du cabinet du maire » « Nous n’avons pas été entendus » « c’est une folie totalement irresponsable » « nous sommes très inquiets pour la sécurité à l’intérieur de la piscine »

Vous incarnez monsieur le maire, le visage de la liberté de revenir en arrière. Vous défendez la liberté des rétrogrades et de l’obscurantisme.

Henri LACORDAIRE expliquait en son temps

« Sachent donc ceux qui l’ignorent, sachent les ennemis du genre humain ou quelque nom qu’ils prennent : qu’entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère. » La liberté délivre, et n’asservie pas.

Dans un discours resté célèbre, Le président égyptien Abdel Nasser se rit du leader des frères musulmans qui désire imposer aux femmes le port du voile. 60 ans après, je ne changerai rien à ses propos : monsieur le maire si votre burqini vous est si cher, portez le vous-même !