16 mai 2022 in 2022-05-16-Conseil-municipal, Actualités, Conseil municipal, Delphine Bense

Texte intégral de l’intervention de Delphine Bense sur la modification du règlement intérieur des piscines municipales

Conseil municipal du 16 mai 2022

Texte intégral de l’intervention de Delphine Bense sur la modification du règlement intérieur des piscines municipales à Grenoble

Au conseil municipal de novembre dernier, je dénonçais dans une question orale “la méthode Piolle”. Je vais en préambule en rappeler certains points.

“Un élu se doit de dépasser la posture du candidat qui parle à son camp. Une fois en responsabilité, l’élu a l’obligation de prendre de la hauteur et d’agir pour le bien commun.

La démocratie est fragile et nécessite que chaque petite parcelle de pouvoir confiée à un élu soit utilisée avec le plus grand respect de ceux qui acceptent de placer leur vie, leur bien-être et leur ville entre les mains de tel ou telle, dans le plus grand respect de ceux qui refusent vos orientations mais restent vos administrés.

 C’est pourquoi, je trouve bien imprudent de faire le choix d’ignorer ou de mépriser ceux qui vous ont donné mandat. Pas réellement pour vous ou votre majorité mais pour l’idée que je me fais de la démocratie représentative. Et malheureusement, la liste est longue de ces prises de position unilatérales et sans concertation.”

Et nous y voilà… en plein dans le mille. Vous imposez par cette délibération une adaptation majeure de la vie des grenoblois, sans l’aval de toute votre majorité, sans débat avec les oppositions, sans concertation publique avec les grenoblois et même pire… sans que vos électeurs ne se soient prononcés sur la question puisqu’elle n’était pas incluse dans votre programme ! Le fait du prince, du pur despotisme !

Vous avez cédé à un groupe de pression minoritaire dont la méthode consiste à se victimiser en s’affrontant aux institutions. Et faisant droit à cette victimisation, vous donnez l’impression que la société française rejette l’islam alors qu’elle ne fait que respecter les normes communes grâce auxquelles nous vivons en bonne intelligence.

Vous avez cédé à un groupe de pression religieux, qui se cache derrière une organisation en apparence inoffensive et honorable, dont la stratégie de conquête du pouvoir politique consiste à imposer progressivement les normes de leur religion et de les consacrer sur le plan juridique pour les imposer à la collectivité.

Et double trahison de vos électeurs, à qui, au passage vous n’aviez jamais parlé d’autoriser le burqini, vous avez cédé au capitalisme et au libéralisme. Eh oui, le burqini n’est qu’un pur produit du capitalisme marchand, destiné à faire de l’argent, parce que voyez-vous, le burqini n’existe ni dans l’islam, ni dans le Coran. Il n’est qu’une récupération religieuse bien pratique dont se nourrit le libéralisme. Finalement, les sirènes du modèle américain auront eu raison de vous : vous confondez attachement aux libertés individuelles et sujétion au modèle libéral et multiculturel anglo-saxon.

Monsieur Piolle, retirez cette délibération et revenez à nos fondamentaux, la République laïque, universaliste, une et indivisible. Le burqini clive, c’est cela qui est recherché. Le burqini est une volonté de remise en cause de la règle commune. Avec le burqini s’exprime l’exigence d’un droit à la différence qui conduit à la différence des droits. C’est admettre que la foi peut imposer des règles au-dessus de la règle de droit.

Ne cherchez pas à faire passer cette modification du règlement intérieur des piscines pour une simple demande d’adaptation de notre société à une pratique religieuse comme un élargissement de la liberté. En réalité, il s’agit d’imposer que des espaces publics, en l’occurrence des piscines, soient soumis à cette pratique religieuse. Il se trouve que la liberté consiste à tolérer ceux et celles avec qui nous ne partageons pas les mêmes options existentielles, sans les imposer, y compris de façon symbolique.

Ne jouez pas avec l’islamisme, cette entreprise de grignotage de la société par le religieux, qui s’appuie sur une visibilité croissante de l’Islam et des signes religieux dans un pays laïque, qui instrumentalise le droit et les canaux du libéralisme politique pour avancer ses pions. Ne vous y trompez pas, chez nous les islamistes se présentent comme féministes et défenseurs de laïcité. Chez nous, l’islamisme est minimaliste, faute de mieux.

En 1905, nos grands-pères et arrières-grands-pères ont bouté les religieux fondamentalistes hors de nos institutions et de nos espaces publics. Il y a eu de violents affrontements, y compris physiques, entre ceux qu’on appelaient les la¨cards et les anti-laïcards. Certains religieux ont même été expulsés de France pour refus d’accepter la laïcité. Vous remettez à l’agenda politique un débat réglé depuis 117 ans et non sans difficultés. Vous nous faites reculer de 117 et notre République laïque, fondée sur l’égalité citoyenne à tout prix, n’y survivra pas, d’autant moins si ses élus, censés la protéger, se posent en “idiots utiles” de l’obscurantisme.