Conseil municipal du 30 janvier 2032

Vœu du groupe Nouveau Regard présenté par Delphine Bense demandant à la CNAC de refuser l’autorisation préalable requise pour la création d’un établissement de spectacles cinématographiques de 9 salles et 1500 places à l’enseigne Mégarama à Saint Martin d’Hères.

Delphine Bense Cinéma Neyrpic

La commission départementale d’aménagement cinématographique (CDA-Ci) a rendu le 13 décembre dernier une décision favorable au projet d’implantation d’un nouveau cinéma de 9 salles porté par Mégarama sur le site Neyrpic en cours de construction à Saint Martin d’Hères.
Le vote a eu lieu malgré l’absence de l’un des experts, personne qualifiée en développement durable, membre de la commission composée de 8 personnes (les représentants de la ville de Grenoble, de la ville de Saint Martin d’Hères, de Grenoble Alpes Métropole, de l’EP Scot, du département de l’Isère et trois experts). L’absence d’un membre de la commission est fondamentale car une égalité de voix équivaut à un vote défavorable…
Rappelons que le projet précédent porté par UGC , qui comprenait 12 salles, avait été retoqué en février 2020 par la CDA-Ci et que les 3 experts avaient voté contre le projet. En octobre 2020, la commission nationale avait également refusé l’autorisation préalable requise pour la création de cet établissement de 2 300 places en développant les arguments suivants :

  • L’offre cinématographique actuelle de la zone d’influence cinématographique (ZIC) est caractérisée par une grande diversité de ses établissements (capacités, programmations, modes de gestion et de typologies d’exploitation) et par une grande diversité en termes de films et de séances.
    En clair, nous avons déjà de nombreuses salles dans la Métro et une offre diversifiée. Quel intérêt de créer un autre multiplex ?
  • « La création de l’établissement accentuera les difficultés d’accès aux copies de films, et notamment des films les plus porteurs, nécessaires à l’équilibre financier de leur activité et au maintien de la diffusion des films les plus fragiles ; que, par conséquent, le projet ne permettra pas d’apporter une offre cinématographique complémentaire ou différenciée de celle déjà proposée par les établissements existants et ne contribue pas au maintien et à la protection de la diversité de l’offre cinématographique »
    En clair, augmenter le nombre de salles avec la même offre sur le même territoire crée une concurrence néfaste entre les salles qui ont plus de mal à accéder aux films : concurrence néfaste qui met en péril leur activité et donc leur survie.
  • « L’augmentation du nombre d’écrans en périphérie de la ville de Grenoble a contribué à accroitre l’érosion de la fréquentation cinématographique du centre-ville de Grenoble, sans pour autant permettre une augmentation de la fréquentation cinématographique de la ZIC dans son ensemble (-18 % de fréquentation dans la ZIC depuis 2002, contre une progression de +16 % en France) »
    En clair, créer des salles en périphérie vide les salles en centre-ville sans favoriser pour autant les salles de la périphérie. D’ailleurs, à l’heure où, même les grandes enseignes commerciales dans les villes réorientent leur offre commerciale au cœur des centre-ville, continuer à promouvoir un modèle de grands ensembles commerciaux à l’extérieur va à l’envers de l’histoire.
  • « La desserte efficace en transports en commun et en modes doux le reliant, à titre d’exemple, à seulement 4 arrêts de tramway du multiplexe « PATHE CHAVANT » (10 salles) situé au centre-ville de Grenoble (…) est susceptible d’interférer avec l’attractivité et la fréquentation des établissements situés au centre-ville (…) de Grenoble (158 180 habitants, soit 32 % de la population de la ZIC).
    En clair, la ville de Grenoble a tout à perdre à porter ce projet de construction d’un nouveau multiplexe à ses portes. L’attractivité du centre-ville doit être défendue.
     « Le projet se substituera à un parvis végétal composé de 71 arbres de haute tige dont la moitié en pleine terre » modifiant ainsi sensiblement le projet initial d’ensemble commercial et de loisirs de la ZAC Neyrpic en diminuant considérablement l’emprise de l’espace public ouvert sur le ciel et ses qualités d’articulation avec l’espace urbain environnant, et en amplifiant le phénomène d’îlot de chaleur.
    Ce paragraphe se suffit à lui-même… construire un nouveau multiplexe, c’est bétonner encore des espaces prévus à la végétalisation, qui offriraient à la fois des espaces de respiration et de calme et c’est encore accroître la problématique des îlots de chaleur.

Les motifs du refus énumérés dans la décision du 9 octobre 2020 sont toujours d’actualité et ont même été renforcés par les impacts de la crise sanitaire. La fréquentation globale des cinémas est en effet en forte baisse. En septembre 2022, 7,38 millions d’entrées ont été vendues, le plus mauvais chiffre depuis 40 ans et le niveau de fréquentation de l’année 2022 reste inférieur de 26,9% à la fréquentation enregistrée entre 2017 et 2019, lors de la période pré-Covid-19.
Perte de l’habitude d’aller au cinéma, concurrence des plateformes, coût des billets, manque d’intérêt pour les films qui sortent en salle figurent parmi les raisons de cette baisse selon une étude menée par le CNC en mai 2022.
Dans un contexte aussi incertain, construire un nouvel équipement et ainsi prendre le risque d’affaiblir les cinémas existants d’une part, et d’amoindrir la végétalisation du site Neyrpic d’autre part, ne nous semble pas raisonnable, sans compter l’absence du membre expert en développement durable lors de la commission départementale d’aménagement cinématographique du 13 décembre.
Soucieux de préserver la fréquentation des cinémas existants de Grenoble qui est déjà en forte baisse, le conseil municipal de Grenoble demande donc à la commission nationale d’aménagement cinématographique de refuser l’autorisation préalable requise pour la création d’un établissement de spectacles cinématographiques de 9 salles et 1500 places à l’enseigne Mégarama à Saint Martin d’Hères.