En 2019, à l’occasion de l’examen de la loi Transformation de la fonction publique, nous avons mené des dizaines d’auditions et le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a mené des centaines d’étapes de concertation et de négociation.
Sur les 1607h, l’accord des employeurs publics a été unanime et sans réserve : l’association des maires de France, l’association des régions de France, l’association des départements de France, l’association des petites villes de France, France urbaine dont la ville de Grenoble est membre et dont vous êtes le représentant en son sein monsieur le maire.
Les rapports des chambres régionales des comptes et de la cour des comptes sont constants depuis 20 ans : les fonctionnaires doivent, eux aussi, travailler 35h par semaine. Il se trouve qu’en 2019, ça n’était pas encore le cas, plus de 15 ans après la mise en œuvre de la loi sur les 35h, dans certaines collectivités. Oui, Monsieur Mériaux, la loi des années 2000 c’était 35h pas 32h… Le cadre d’emploi ne pouvait pas rester en dehors des règles communes plus longtemps. Nous l’avons rendu obligatoire au 1/1/2022.
A travers cela, ni moi, rapporteur du texte à l’AN, ni le gouvernement ne dit que les fonctionnaires ont abusés ou ne travaillent pas assez. Ceux qui ont abusés, ce sont les élus pourtant aux affaires depuis des années qui n’ont pas engagés ce chemin du dialogue ; c’est irresponsable à triple titre :
D’abord vis-à-vis des agents qui eux savaient très bien qu’un jour on allait venir à l’obligation et qui n’ont eu que quelques semaines pour négocier,
Ensuite vis à vis des concitoyens a qui ces élus ont volé des heures de service public durant toutes ces années, souvent à des fins clientélistes ou pour acheter la paix sociale dans leur effectif
Enfin vis-à-vis de l’équité et de la justice entre les Francais, comment peut on être élus de la nation et accepter de faire des cadeaux en jours de congès aux uns sans qu’il n’y ait rien pour les autres ? c’est une question d’état d’esprit et de valeur.
Enfin, j’entends depuis plusieurs mois certains agents de la ville ou de la métro qui discutent avec moi : certains travaillent plus de 35h par semaine. Ceux-là pourraient donc subir la double peine : moins de congés et dépassement des 35 heures. Mais je leur rappelle, comme je vous le rappelle a vous : les heures supplémentaires ou complémentaires sont dues ! Et si vous ne les rémunérez pas vous êtes dans l’illégalité. Je leur suggère d’organiser un système de pointage pour faire un meilleur reporting des heures réelles travaillées.
Je profite de cette délibération pour inciter également au déploiement de l’annualisation du temps de travail : 1607H par an. Je donne un exemple : si vous travaillez 39h par semaine, dès que vous avez atteint votre quotat, vous passez en jours non travaillés, dans cet exemple c’est 41 semaines travaillées à 39h et plus de 10 semaines non travaillées.
Enfin je déplore le manque de temps que vous avez consacré à la discussion avec vos agents et la qualité médiocre des échanges qui pourtant nécessitent des échanges nourris et sincères.
Il existe de nombreux leviers de négociation pour accoucher d’un accord social autour des 1607h : l’annualisation du temps de travail donc, la négociation sur le télétravail, les indices de pénibilité, la complémentaire santé, la prime collective (le fameux CIA), le RIFSET qui permet d’aller jusqu’à 11000 euros de régime indemnitaires par an en catégorie C !
J’ai porté cette loi en tant que députée, vous devez l’appliquer en tant que maire. C’est l’ordre des choses et nous avons tous deux été élus démocratiquement. Assumez vos responsabilités autant que je porte les miennes. Plutôt que de ridiculiser la situation en nommant cette loi la loi « Chalas », vous tentez en vain d’esquiver le vrai et le seul sujet : votre responsabilité dans la mise en œuvre de la loi et votre incapacité à dialoguer.
Sur la décision que vous soumettez au conseil municipal.
Sans surprise, vous esquivez encore.
Je pense que ce règlement n’est pas contraire au texte de la loi, mais il est certainement contraire à son esprit. Une solution mi-molle : satisfaisant ni pour les agents, ni pour les services publics, ni pour les comptes publics de la ville de Grenoble.
Ajouter 7 min par jour à chaque agent en comptant désormais le temps d’habillage et de déshabillage, c’est un peu se foutre de nous, des Grenoblois qui financent cette nouvelle organisation du temps de travail.
Ainsi donc, le service public ne bénéficiera pas de journées supplémentaires de travail, ainsi donc le budget de la ville ne fera l’objet d’aucune économie sur la redistribution des missions de service public grâce a la réorganisation du temps de travail.
J’ai envie de dire « tout ça pour ça ! ». Cet accord est tragique. Tragique pour le service public, pour les finances de la ville mais aussi est surtout tragique pour les agents.
Chers collègues, je souhaiterais m’adresser à vous, moi qui suis aussi fonctionnaire territorial.
Comment pensez-vous que les Grenoblois vont percevoir cet accord de 7 minutes supplémentaires par jour ? Comment pensez-vous qu’ils vont vivre la multiplication des jours de grève ? A travers cet accord vous vous tirez une balle dans le pied, vous alimentez la bête immonde du fonctionnaire bashing. Vos élus s’en sortiront bien, eux, car ils auront fait le job. Voilà l’addition que vous avez gagnée : vous serez les grévistes qui entourloupent l’esprit de la loi et qui ont négocié 7mn/jour, tandis que vos élus seront les chevaliers blancs qui ont trouvé un accord. Je trouve cela consternant et triste pour l’engagement dont vous faites preuve au quotidien, car le service public, c’est vous ! la proximité, c’est vous ! Et je me bats depuis des années pour la reconnaissance de notre statut, pour lutter contre la précarité dont certains élus usent et abusent, je me bats contre ceux qui affirment que nous sommes inutiles, trop nombreux et feignants. Des années pour faire entendre que la baisse du nombre de fonctionnaires n’est pas une bonne approche et que la territoriale a bien des choses à apprendre à des services d’Etat autocentrés et incapables de réaliser ce que vous vous faites au quotidien.
Et voilà le genre d’accord que vous entérinez ? Vous avez une bien piètre image de vous-même. Moi je suis fière de la territoriale, de notre capacité à faire, à innover, à rendre service tous les jours, vous méritiez bien mieux que cet accord déplorable et cette image aussi persistante qu’un vieux chewing-gum sous la chaussure. Je suis triste pour vous aujourd’hui.
Nous abstiendrons bien sûr sur cet accord qui est un non-sens à tout point de vue.