Vœu du groupe NR sur l’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte européenne
Conseil municipal du 8 novembre 2021
Vœu présenté par Emilie Chalas :
L’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte européenne
Permettez-moi de contextualiser ce vœu proposé au conseil municipal de Grenoble.
Quelques jours après la sortie du rapport RTE dénommé « Futurs énergétiques 2050 », nous avons la responsabilité de penser l’avenir énergétique de la France, dans ses aspects européens, nationaux et locaux. Les conclusions de ce rapport viennent conforter la ligne que nous nous sommes fixés collectivement dans la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, à savoir défendre l’efficacité et la sobriété énergétiques, investir dans le nucléaire, tout en poursuivant le développement des énergies renouvelables en France.
Le chef de l’État, Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé un plan d’investissement d’un milliard d’euros dans l’énergie nucléaire, la potentielle construction de six nouveaux EPR, ainsi que le développement de petits réacteurs SMR en plus des mesures sur la recherche et l’investissement dans les ENR.
Tous les chiffres annoncés sont publiés par l’ADEME, l’étude RTE et PNC-France.
Nous devons partir collectivement d’un objectif : trouver un équilibre dans le besoin énergétique français entre la demande croissante d’énergie et l’offre d’énergie disponible.
Nous n’échapperons évidemment pas à la réflexion sur une limitation de la demande énergétique. Nous devons faire baisser la demande. Pour cela deux axes : par plus de sobriété dans nos comportements de consommateurs et également par l’amélioration technologique des performances des objets : un téléphone, un réfrigérateur moins énergivores.
Il va s’agir aussi et essentiellement d’améliorer l’offre énergétique :
L’ambition est celle de l’accord de Paris avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. Il y a du boulot. Nous devons programmer l’abandon de l’utilisation des énergies fossiles : pétrole, gaz, charbon. Quelles sont ces énergies propres, ces énergies décarbonées ? Les ENR et le nucléaire. Nous devons aussi maitriser les prix de l’énergie, l’actualité nous le rappelle cruellement pour les Français les plus en difficulté face aux factures d’énergie. Pour ce faire, nous devons rester souverains pour ne pas subir le prix de vente depuis les pays étrangers et nous devons continuer à produire pas cher.
La solution pour une énergie décarbonée, à bas prix et qui permette à la France et à l’Europe une souveraineté pérenne ? C’est le nucléaire. Aucune autre énergie ne peut tenir cette équation, même et surtout en termes d’acceptabilité sociale. Pouvons-nous imaginer des champs de panneaux solaires et d’éoliennes pour remplacer le nucléaire ? Je ne crois pas que les Français l’accepteraient.
Car oui, nous devons garantir la production constante d’électricité, la stabilité du réseau, sans risquer le black-out. Quelles énergies permettent de produire de l’électricité à volonté ? L’hydraulique et le nucléaire. L’éolien dépend du vent et le solaire, du soleil. Ce sont des énergies intermittentes.
Mais, voilà, les choses ne sont pas aussi nettes à l’échelle européenne car tous les pays membres n’ont pas fait ce choix précurseur qu’a su faire la France en investissant massivement dans le nucléaire après la crise pétrolière du début des années 70.
Reprenons nos 4 critères : décarbonation, prix, souveraineté et stabilité de l’offre.
Sur la production de CO2
Selon l’ADEME, l’Allemagne avec son charbon émet 5 fois plus de CO2 par KWh que la France. L’application Electricity map permet de s’en convaincre.
Car il existe un rapport de 1 à 200 entre le nucléaire français (6g CO2/KWh selon l’ADEME) et la lignite allemande -le charbon (1200 g CO2/kWh)
Les pays qui n’utilisent pas ou peu de nucléaire, produisent bien plus de carbone.
Contrairement à ce qu’une majorité de Français pensaient encore il y a peu de temps, le nucléaire ne participe pas au réchauffement climatique. Toutes les sources concordent, du GIEC à l’ADEME, en passant par la SFEN, la société française d’énergie nucléaire :
– le nucléaire génère en moyenne 12 grammes d’équivalent CO2 par kWh dans le Monde et 6g par KWh en France.
– l’éolien est à 12g/KWh,
– le photovoltaïque à 50g,
– le gaz vers 450g,
– le pétrole 700g,
– et le charbon aux alentours de 1000g/KWh
Sur les prix
Le prix du KWh pour les ménages en Allemagne (0,309€) ou au Danemark (0,298€) est 75% plus élevé que le prix du KWh en France (0,177€). Les premiers ont très fortement développé les énergies renouvelables intermittentes, la France, elle s’appuie essentiellement sur le nucléaire. Et même pour le nouveau nucléaire, le rapport RTE montre que les scénarios sont de plus en plus chers au fur et à mesure que l’on diminue la part du nucléaire, jusqu’à 14 milliards d’euros/an : la raison en est que dans des approches à « coût complet » tout est compté. Par exemple, la mise à niveau du réseau et les besoins de stockage dû à l’intermittence. C’est ce qu’on appelle les coûts des « externalités ».
Sur la souveraineté
L’Allemagne reste tributaire du marché russe du gaz pour compléter son besoin d’énergie.
La France, en produisant de l’énergie nucléaire, surtout si elle s’engage à nouveau sur la voie des réacteurs surgénérateurs de 4eme génération, et par exemple sur la filière proposée par le CNRS à Grenoble du MSFR (réacteur rapide à sels fondus) peut garder une réelle souveraineté.
En effet les réacteurs surgénérateurs peuvent utiliser les stocks d’uranium appauvri, qui ne seront plus dès lors considérés comme des déchets mais comme des combustibles répondant aux besoins de notre pays pour des centaines, voire des milliers d’années. En outre, ces réacteurs peuvent « brûler » les déchets de haute activité à vie longue, ce que l’on appelle les actinides mineurs.
Sur la stabilité
Par nature, l’offre du nucléaire est la plus stable, la plus immédiate et ne génère aucun coût des « externalités ».
En conclusion, sur les 4 critères, c’est l’énergie nucléaire qui répond le mieux et sans aucune comparaison possible par rapport aux autres énergies.
Tous ces éléments sont factuels. Il faut dépassionner le débat du nucléaire afin de penser notre trajectoire énergétique de façon objective et non idéologisée.
Alors, maintenant que le contexte est posé, quel est l’objet de ce vœu ? Demander l’intégration de l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte européenne.
C’est quoi la taxonomie ?
La taxonomie est une classification européenne standardisée pour évaluer la durabilité de 70 activités économiques, particulièrement sur les enjeux de GES et donc de production de CO2.
L’objectif étant de pouvoir mettre en avant les secteurs d’activités où il est préférable d’investir pour permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cet objectif entre dans le contexte du Pacte vert européen (Green Deal) qui met le changement climatique au premier plan du continent.
Pour réussir sa transition bas-carbone, l’Union européenne mobilise 1 000 milliards d’euros entre 2021 et 2027. L’enjeu est donc majeur pour obtenir que le nucléaire, la recherche, l’innovation et le développement technologique soient classés dans cette taxonomie et financés par l’Europe. Voilà l’enjeu. Il est crucial pour l’avenir et la transition énergétique.
Cet enjeu du nucléaire en Europe, quel est-il ?
Il existe deux stratégies qui s’affrontent. Les pro et les anti-nucléaires, quelle originalité !
5 pays, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne – les 3 pays fabriquant des éoliennes en Europe – le Luxembourg et l’Autriche ont écrit à la Commission européenne pour demander que l’énergie nucléaire n’ait pas accès au green deal européen, dans le cadre de ce que l’on appelle la taxonomie. On notera qu’en revanche ils demandent que le gaz, qui émet environ 70 fois plus de CO2 que le nucléaire français, soit intégré à cette taxonomie.
Mais Il y a en Europe 16 pays « pronucléaires », en réalité donc une majorité. Parmi eux dix ont suivi la France pour riposter par écrit auprès de la commission européenne. La France, la Roumanie, la république tchèque, la Finlande, la Slovaquie, La Slovénie, La Bulgarie la Pologne, la Hongrie, la Croatie et plus récemment les Pays Bas ont fait le pari du nucléaire. 16 pays sur 28, si l’on tient compte de la grande Bretagne.
Des pays comme l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique et le Danemark par exemple font le pari d’un mix charbon+ ENR, ou gaz+ ENR, en sortant du nucléaire.
Il y a 16 pays potentiellement pro-nucléaires en EU à ce jour. Pour garantir la majorité, il faudrait 14 pays qui représentent 65% des habitants de l’EU (ce qui est difficile compte tenu de l’absence de la grande Bretagne et du poids de l’Allemagne). Nous devons donc continuer à expliquer et à convaincre pour sortir des clichés et des contre-vérités sur le nucléaire.
Vous avez affirmé, monsieur le maire, lors du Grand Jury RTL du 5 juillet dernier, que le nucléaire était un lobby et qu’il « freinait le développement des énergies renouvelables ». (Source : Sortie du nucléaire : « 2040 c’est déjà tard, » pour Éric Piolle (rtl.fr) ). C’est faux. Les ENR ne remplacerons jamais l’énergie nucléaire.
Ce vœu a donc pour objet de demander à la commission européenne d’intégrer l’énergie nucléaire à la taxonomie verte et de continuer, et même d’intensifier le développement de l’énergie nucléaire comme une énergie propre et une énergie d’avenir.